CEINTURE CEREMONIELLE EN FORME DE JOUG

VERACRUZ – Mexique

450 – 750 AP. J.-C.

  • Hauteur : 12,1 cm
  • Largeur : 41,8 cm
  • Epaisseur : 39 cm

Diorite gris-vert à patine brune.

Ceinture cérémonielle en forme de joug, sculptée à la fois en bas et haut relief, agrémentée de nombreux détails incisés.

Le thème iconographique principal exprime la mort et le culte des ancêtres, le tout représenté par trois crânes humains. Ceux-ci se caractérisent par des orbites profondément creusées, des cloisons nasales osseuses de forme triangulaire et des masques buccaux à la bouche entrouverte et aux lèvres charnues. Les bouches sont dénuées de toute dentition. Il est cependant possible que des incrustations de coquillage en aient un jour décoré l’intérieur. 

Même si les trois crânes peuvent sembler identiques, il existe quelques subtiles différences entre eux. En effet, le crâne central, à l’extrémité courbe du joug, semble être projeté vers l’avant comparé aux deux autres. Ceux-ci, au contraire, apparaissent comme encastrés à l’intérieur de chacun des bras, résultat d’une technique de sculpture en ronde-bosse. Par ailleurs, le front du crâne central est moins profond et son sommet plus plat que ceux des autres crânes. Les cavités orbitales sont aussi légèrement différentes ; celles des crânes latéraux sont en forme d’amande, tandis que celles du crâne central sont arrondies. Bien que mineures, ces différences ne sont pas simplement dues à des variations d’exécution, mais témoignent au contraire d’une intention délibérée.

Sur la surface horizontale supérieure du joug, chaque crâne est ornementé d’une coiffe. A première vue, les trois coiffes à plumes semblent identiques. Chacune est composée d’une lanière tissée d’un motif matelassé et surmontée d’une série de silhouettes. Cette lanière retient un ensemble dense et plutôt large de plumes recourbées. Mais la lanière de la coiffe du crâne central est bien plus large et, en-dessous, le crâne prend la forme d’une arête épaisse accentuée à l’arrière par un renfoncement peu profond. Ces détails suggèrent que ce que nous avons jusqu’alors considéré comme la face d’un crâne est en fait la face d’un masque. Ce type de masques en pierre était fixé sur la tête des momies funéraires. Cela expliquerait également la présence des larges bandes qui encadrent le masque. Celles-ci, composées probablement de textile et nouées à chaque extrémité de la lanière de la coiffe, sont décorées d’ornements d’oreille, sans doute en jade. Elles pendent élégamment de chaque côté du masque mortuaire et maintiennent les ornements d’oreille là où ils se trouveraient si le visage était celui d’un être vivant. Au vu de sa composition et de sa taille, on peut envisager que cette coiffe de plumes élaborée faisait partie intégrante de la parure des momies funéraires, en complément du masque mortuaire.

Le bout des bras des jougs sont souvent décorés de têtes zoomorphes, ce qui est également le cas ici. Il est en revanche problématique d’identifier clairement les animaux en question, puisque il s’agit souvent d’une combinaison d’attributs de divers animaux, parmi lesquels on retrouve fréquemment des sauriens. La partie supraorbitale est large et prononcée, tandis que la mâchoire supérieure peut être de nature flexible. Dans le cas présent, elle est enroulée vers l’intérieur de la gueule, alors que sur d’autres jougs, elle est représentée distendue. Dans l’ensemble, ces têtes ont de fortes affinités avec celles dépeintes sur certaines frises horizontales et verticales de l’art du Veracruz, notamment les frises entourant les scènes gravées sur les panneaux des terrains de jeu de balle ou sur la Pyramide des Niches sur le site d’El Tajin, Veracruz. On peut également noter d’autres similarités avec l’art d’El Tajin, telles la présence des motifs en volute sur les surfaces horizontale et verticale du joug.

Enfin, la tête d’un oiseau de proie, probablement celle d’un vautour, décore les extrémités verticales des deux bras du joug. Ce motif est peut-être un signe du calendrier ou un nom personnel dérivé d’un signe du calendrier. Ici, la tête de vautour est accompagnée du chiffre 5 (une barre horizontale) que l'on aperçoit sous la tête de l'oiseau. L’ensemble peut donc représenter le nom d’une personne, celui d’un ancêtre ou est une date importante dans un rituel en connexion avec la momie funéraire dépeinte sur la partie centrale du joug.

Cet objet rituel en pierre est d’un intérêt particulier au vu de la richesse de son esthétique et de son iconographie, similaires au célèbre et unique joug conservé au Musée Amparo, à Puebla, au Mexique. La maîtrise dans l’exécution de son bas-relief et de la sculpture en ronde-bosse est tout à fait exceptionnelle. Ceci joint à la beauté de la pierre et à son excellent état de conservation en font un véritable chef-d’œuvre de l’art de la Mésoamérique.

La culture Totonaque, dont le nom signifie « le peuple des terres chaudes », s’est développée dans la région correspondant à l’état actuel de Veracruz, sur la côte est du Mexique. Son âge d’or se situe entre 450 et 750 apr. J.-C.

ProvenanceAncienne collection européenne depuis 1967.