COQUERO ASSIS SUR UN TRONE

NARINO Colombie - COMPLEXE CULTUREL CAPULI

850-1500 AP. JC

Hauteur : 51 cm – Largeur : 21 cm – Epaisseur : 24,4 cm

Terre cuite creuse brune à engobe rouge brun à décorations marron foncé avec traces d’oxydes de manganèse

 

Ce beau personnage est un chef « coquero » (mâcheur de coca), œuvre de la culture Nariño, appelée aussi Capulí, établie sur les hauts plateaux de la cordillière des Andes à la frontière entre la Colombie (partie sud) et l’Équateur (partie nord). Il se distingue par sa grande taille, la qualité indéniable du modelage, sa patine brillante mettant en valeur la belle couleur chaude de l’engobe et son parfait état de conservation.

Il adopte la posture classique de ce type de figures qui se retrouve des deux côtés de la frontière Colombie / Équateur : le dos bien droit, assis sur un banc, les bras tendus parallèlement et les mains posées sur les genoux en signe d’autorité. Son regard est fixe, sous l’effet de la consommation de feuilles de coca. Les yeux globuleux, dont les pupilles ont été peintes en noir et les paupières gravées pour les faire ressortir, traduisent bien cet état de transe.

La tête est ronde et la chevelure, à l’origine peinte en noir, forme une sorte de calotte. Il se peut qu’il s’agisse d’une sorte de bonnet, attribut réservé aux anciens. La forme du crâne n’est pas sans rappeler le chapeau d’un champignon hallucinogène consommé par les chamans.

Le nez s’affirme, petit et pointu, entre les yeux relativement éloignés. On observe deux petits trous dans les narines qui permettaient sans doute d’accrocher des narigueras (ornement de nez). La bouche se résume à une simple fente, légèrement de biais, qui esquisse une moue particulière liée à la mastication de la boule de coca logée dans la joue gauche, repérable à la petite bosse modelée par le céramiste.

Des peintures faciales embellissent ce visage impassible. Deux lignes fines descendent des yeux jusqu’à la mâchoire inférieure, reliées par un trait horizontal qui passe entre le nez et la bouche. Deux autres lignes partent de l’extrémité extérieure des yeux pour rejoindre les oreilles légèrement saillantes et arrondies. On observe également un triangle noir sous chaque œil, la pointe vers le bas, ainsi que des bandes noires de largeur différente sur le menton.

Le cou n’est quasiment pas visible et la tête semble reposer directement sur les larges épaules qui donnent à ce personnage une indéniable stature. Les bras sont filiformes et très longs. Ils descendent en pente jusqu’aux genoux sur lesquels ils posent fermement les mains. Le buste domine de sa hauteur les jambes repliées. Les cuisses sont à peine plus épaisses que les tibias et les bras et ne reposent pas sur l’assise du tabouret. Le sculpteur a sciemment ménagé de larges espaces entre les membres de ce personnage, accentuant la minceur et l’aspect architectural de ce corps sans musculature. Les mains et les pieds sont schématisés, de simples incisions indiquent les doigts et les orteils.

 

D’un point de vue vestimentaire, l’homme porte uniquement un cache sexe retenu à la taille par une ceinture. Son torse nu est traversé par un motif peint représentant une sorte d’écharpe en bandoulière, partiellement effacée, allant de l’épaule à la taille devant et derrière. Cet élément est visible sur d’autres effigies comparables, parfois accompagné d’un petit sac – la chuspa - qui contenait la provision journalière de feuilles de coca. Des traces de tatouages noires sont également visibles sur les bras.

Les tâches sombres présentes sur une grande partie de la surface du corps sont des traces d’oxyde de manganèse, conséquence naturelle de l’enfouissement prolongé de cette statue, probablement enterrée dans une profonde tombe à puits typique de la région et dont on pense qu’elle était la dernière demeure des chefs et des chamans des communautés locales.

La posture de cette effigie, ses peintures corporelles et le tabouret sur lequel il est assis dénotent son appartenance à l’élite. Il s’agit très probablement de la représentation d’un cacique (chef de clan) et/ou d’un chaman, qui témoigne de l’émergence de modèles d’organisations sociales complexes et hiérarchisées en Colombie, comme ailleurs en Amérique du Sud.

Le traitement naturaliste, au-delà de sa qualité plastique et artistique, est une précieuse source d’information dans la mesure où il donne une idée assez précise du type de tenue, de coiffure et de maquillage du peuple Capulí.

La récurrence des figures mâchant des feuilles de coca, y compris sous forme de masques, indique que celles-ci constituaient une ressource importance dans les hautes terres d’Amérique du Sud, dont le commerce alimentait l’économie locale.