COUPLE DEBOUT

NAYARIT MEXIQUE

100 AV. - 250 AP. J.-C.

FEMME

Hauteur : 47,3 cm - Largeur : 30,4 cm - Épaisseur : 15,9 cm

HOMME

Hauteur : 52 cm - Largeur : 28,8 cm - Épaisseur : 18,7 cm

Terre cuite creuse brune à engobe rouge-blanc, avec décorations polychromes et traces d'oxyde de manganèse.

 

Ce couple est un magnifique exemple de la céramique du Mexique occidental. Il provient du Nayarit et plus particulièrement de la zone où se situe le site archéologique d’Ixtlan del Rio qui a donné son nom à l’un des styles répertoriés dans cette région. Le réalisme du modelage, les nombreux détails soulignés par une belle polychromie et l’expression qui anime ces personnages témoignent du talent des artisans locaux, qui aimaient travailler la terre et illustrer la vie de leurs contemporains avec une indéniable créativité.

Au-delà de leur grande originalité, la valeur de ces effigies tient à leur portée symbolique et spirituelle. Celle-ci est attestée par le fait que ces céramiques ont été retrouvées au fond des profondes tombes à puits typiques de la région, où elles avaient sans doute la noble tâche d’accompagner les défunts sur le chemin de l’après-vie et d’honorer les ancêtres.

À en juger par les tenues et les parures des personnages, et la fréquence des figures de ce genre dans le Nayarit, il pourrait s’agir de la commémoration d’une cérémonie de mariage impliquant des dignitaires. Dans les sociétés traditionnelles de Mésoamérique, l’union entre un homme et une femme était l’une des étapes les plus importantes de l’existence, à partir de laquelle les mariés changeaient de catégorie sociale et pouvaient fonder une famille. Comme chaque évènement marquant une transition, cette union matrimoniale faisait l’objet de rites de passage, sans doute sur plusieurs jours, incluant des veillées, des processions et la présentation des époux. Les figurines de couples placées dans les tombes pourraient attester que les défunts ont accompli ces rites lors de leur vie terrestre.

Représentés debout, l’homme et la femme partagent la même physionomie. Leur corps est court et leur cage thoracique carré, une plastique ramassée qui contraste franchement avec la tête haute et étroite, presque aussi grande que le buste et les jambes. Les épaules larges et osseuses se prolongent loin de chaque côté du cou. Elles mènent à des bras courts, filiformes et tubulaires, eux-mêmes se terminant par des petites mains bien détaillées, dont les doigts sont fins et les ongles peints en beige. Le torse de la femme est nu. Ses seins écartés sont généreux, avec des tétons saillants, peut-être une façon de souligner sa féminité et sa fonction nourricière, et ses bras portent des bracelets serrés au niveau de biceps, assortis de petites perles. Le torse de l’homme est habillé d’une chemise, couvrant les bras, décorée de carreaux, eux-mêmes agrémentés de volutes, de spirales et de tracés en escaliers, peints en rouge brique, beige et jaune-orangé. Le dos de chacun des personnages est passablement plat, on observe toutefois le creux de la colonne vertébrale et les bosses des fesses, éloignées l’une de l’autre du fait de la largeur de la cage thoracique.

Les jambes sont particulièrement courtes et affublées de pieds massifs, d’aspect quelque peu éléphantesque, accentué par les profondes rainures effectuées dans l’argile pour distinguer les orteils et par les talons en pointe, exagérément étirés vers l’arrière, peut-être pour assurer le maintien de l’œuvre.

Les jambes de la femme sont couvertes par une longue jupe quadrillée et décorée de divers motifs qui font écho à ceux visibles sur la chemise de l’homme, un détail qui soulignent habilement leur complémentarité. Chez l’homme, elles sont visibles et très écartées. À noter : ce dernier porte une large culotte assortie d’un élément saillant et pendant au niveau de l’entrejambe.

Les visages, tout comme les corps, sont semblables. On retrouve là encore la signature des artistes du Nayarit qui affectionnaient les plastiques singulières, accentuant certains aspects du corps humain et en réduisant d’autres dans le même temps. De forme ovale, ces faciès expressifs arborent des restes de peintures noires, signe de l’appartenance de ces deux personnages à l’élite locale. La forme haute et étroite du crâne, orné d’une grosse tresse torsadée chez la femme, et dissimulé sous un haut chapeau conique à frange chez l’homme, signale une déformation rituelle.

Cette pratique courante en Mésoamérique remonte à des temps très anciens et concernerait les membres importants des clans qui, par l‘aspect allongé de leur tête, se distinguaient du reste de la communauté. Forme qui selon les chercheurs avait également une signification symbolique, en lien avec l’épi de maïs, la germination et au-delà la fertilité et l’abondance, faisant des dignitaires les garants de la survie de leur village.

À noter : le chapeau de l’homme est assorti d’un bandeau situé sur la frange, avec deux pattes en l’air de chaque côté, qui suggère qu’il s’agit de pattes de chiens, un élément se rapportant au chaman. Trois pendants sont également visibles à l’arrière au niveau de la nuque, en-dessous d’un trou qui faisait office de trou d’évent, permettant à la vapeur d’eau de s’échapper lors de la cuisson. Chez la femme, ce trou se situe au sommet de son crâne.