PERSONNAGE ALLONGE

OLMEQUE – Las Bocas – PUEBLA – Mexique

900 – 600 AV. J.-C.

Hauteur : 7,1 cm - Largeur : 16 cm - Epaisseur : 7,8 cm

Kaolin massif blanc beige ivoire avec traces de cinabre.

 

Cette magnifique sculpture, représentant un personnage allongé, compte parmi les plus belles figurines préclassiques de style olmèque, typiques du site de Las Bocas, situé sur le haut plateau central. La délicatesse de ses traits, la justesse de ses proportions, l’équilibre de sa posture, l’intense sérénité qui émane de son visage, et sa parfaite finition, en font un chef d’œuvre, qui diffuse en nous une émotion immédiate.

Le traitement épuré, sans signe extérieur d’appartenance à une classe sociale, indique que l’artiste a cherché à restituer, dans un geste avant tout spirituel, une sorte d’idéal universel. Un idéal socio-esthétique visible à travers le soin porté à la tête et au visage qui répondent aux conventions olmèques, mais aussi une qualité d’âme perceptible à travers l’aura particulière de ce personnage.

L’état intérieur, qui se dégage de cette élégante sculpture, témoigne du talent du céramiste qui a su donner vie à son œuvre. Au-delà, il exprime cette « conscience de soi » et du monde environnant, qui caractérise cette époque de l’histoire antique au cours de laquelle l’homme a commencé à se sédentariser, se civiliser et à interroger le ciel pour trouver des réponses aux grands mystères de la vie. Autrement dit, cette figure coïncide avec la naissance d’un système religieux dont elle est une très belle manifestation.

Si le corps est traité de façon minimale, avec pour seuls détails, des marques au niveau du thorax, de l’aine, des coudes, et des rainures au niveau des pieds et des mains, la tête du personnage se fait plus précise. Elle présente les caractéristiques chères aux olmèques : le crâne allongé, les yeux bridés et la bouche arquée.

Le crâne allongé est le résultat d’une déformation rituelle pratiquée par les élites en Amérique centrale et en Amérique du Sud comme signe de distinction sociale. Dans ces sociétés anciennes, le corps représentait métaphoriquement le cosmos et la tête correspondait au monde supérieur. La manipulation de l’occiput, comme toute forme de parure corporelle, était un signal symbolique fort, un moyen d’imprimer, dans le corps, l’appartenance à un groupe. Certains avancent l’idée que la déformation permettait de donner au crâne une forme noble évoquant l’épi de maïs, plante sacrée et vitale pour les populations de ces régions du monde.

Au niveau du visage, les yeux inclinés, figurés par deux fines incisions, le nez fort et aplati, et la bouche aux commissures tombantes, sont également des marqueurs d’importance. Ils renvoient à la figure du jaguar, symbole solaire, de puissance et de prestige, à l’origine des premières divinités mésoaméricaines.

Les images olmèques, qu'elles soient sculptées, gravées ou peintes, qu'elles pèsent plusieurs tonnes ou quelques grammes, parlent toutes de pouvoir, de cosmologie et de religion. Dans l'expression symbolique, le bestiaire comprend des serpents, des crocodiles et des oiseaux, mais c'est au grand félin que l'iconographie donne la plus grande place. Ses attributs, plus ou moins stylisés, se retrouvent partout dans l’art olmèque, qui n’a eu de cesse d’explorer la relation de l’homme à l’animal et inversement.

Notre sculpture est un exemple subtil et particulièrement raffiné d’assimilation de traits félins par une figure humaine. Le site de Las Bocas, sur les hauts plateaux centraux, a livré un certain nombre de personnages de ce type, qui ont fait sa réputation. Il s’agit d’êtres masculins, généralement asexués, recouverts d’un engobe blanc-crème poli et représentés dans différentes attitudes.