PERSONNAGE DEBOUT

DIQUĺS – Versant Atlantique - Costa Rica

700 – 1200 AP. J.-C.

Hauteur : 91,7 cm - Largeur : 29 cm - Epaisseur : 11,7 cm

Trachyandésite grise à patine brun-beige

 

Ce personnage majestueux est un exemple splendide de la sculpture costaricaine, typique de la région du delta du Diquís, au sud-ouest du pays. Sa taille hors norme, sa noble stature, la qualité de son décor, la beauté éthérée de son visage, et son exceptionnel état de conservation contribuent à faire de cette réalisation un chef-d’œuvre du genre. On suppose que ce type de statuaire frontale et monumentale avait une vocation architecturale et que ces « idoles » colossales trônaient sur les places publiques, devant les édifices cérémoniels ou au cœur des résidences de l’élite. Elles étaient donc extrêmement importantes.

Plongé dans un état méditatif, l’homme dégage une belle présence et une puissance sensible. Il s’agit peut-être d’une divinité, d’un éminent ancêtre ou d’un grand chaman. Ces trois hypothèses sont admises. La sévérité de la pose et la rigidité des lignes sont adoucies par la finesse du décor gravé et la sérénité qui émane du visage. Les spécialistes voient dans cette posture hiératique une réminiscence des figures visibles sur les pendentifs en or Muisca et Calima de Colombie, dont l’influence a gagné le Costa Rica et notamment la zone du Diquís.

La tête est surmontée d’un bandeau frontal sur lequel s’entrelacent deux serpents. Les arcades sourcilières adoptent une courbe gracieuse. Les yeux en forme de grains de café allongés sont clos et le volume des paupières est bien restitué. Le nez est long, avec une arête droite et une pointe évasée. La bouche horizontale est fermée et les lèvres sont épaisses, le tout formant un ovale aplati et légèrement incurvé. Les oreilles saillantes forment un arc de cercle épais sur les côtés. Cette physionomie est typique des sculptures costaricaines qu’il s’agisse d’effigies en pied ou de têtes individuelles.Le cou est particulièrement massif et les épaules sont bien droites. Le haut du buste porte des séries de gravures linéaires qui s’entrecroisent et qui s’apparentent à des tatouages ou des scarifications. Les bras sont enserrés, au niveau des biceps, par deux serpents dont les têtes stylisées se croisent devant le buste en formant un cœur. Les corps souples et longilignes de ces reptiles contrastent avec la géométrie du personnage et ses volumes massifs. Ils sont ornés de gravures géométriques.

Le serpent est une figure fréquemment associée aux figures à tenon, de même que le jaguar. Cette triade – homme/serpent/jaguar – trouve à l’évidence sa raison d’être dans la pensée idéologique et mythologique des peuples de l’époque et dans leurs pratiques chamaniques. Ici l’homme ne semble pas craindre la compagnie de cet ophidien qui évolue autour de lui, tel un animal totem, dont la principale fonction consiste à servir d’intermédiaire avec les autres sphères du Cosmos et les puissances surnaturelles. A travers cette splendide sculpture, l’artiste nous donne à voir l’invisible et proclame ses croyances. Le serpent, par son association avec la terre est un symbole de fertilité. C’est aussi un animal agressif et dangereux dont les dignitaires, notamment les guerriers peuvent s’inspirer.

Le pli des coudes est marqué par une rainure, ce qui accentue la musculature des bras.  Les poignets portent des bracelets fins. Les mains sont posées sur les hanches qui semblent adopter une forme rectangulaire. Les doigts imposants sont présentés verticalement et frontalement, comme s’ils agrippaient cette partie du corps.

Un second serpent est gravé au niveau du bas ventre. Son corps entoure la taille fine, telle une ceinture, et la tête du reptile, vue du dessus, pend devant l’entrejambe. Deux fentes séparent les bras du tronc et une troisième individualise les jambes. Les cuisses sont décorées de séries de stries qui s’entrecroisent, identiques à celles des épaules. Les genoux sont signifiés par des reliefs de forme ovale.

Les chevilles arborent également des bracelets et les pieds sont traités de la même manière que les mains, avec des orteils imposants, présentés verticalement. Le personnage repose sur une masse lisse en demi-lune, appelé tenon, qui était plantée dans le sol et lui permettait de tenir debout.

Le revers de l’œuvre révèle des volumes intéressants. La musculature des épaules et des omoplates est indiquée en relief. On remarque que le serpent présent sur le devant, sur le haut du buste, n’est pas visible à l’arrière. Une gravure rectiligne partant du cou rejoint le bas du fessier, suivant la colonne vertébrale. L’arrière des mains est figuré, comme si les hanches étaient enchâssées à l’intérieur des paumes. Les plis des genoux sont soulignés. Les talons sont également figurés.

Très bien conservée, cette sculpture est bien plus grande que les œuvres comparables qui dépassent rarement 50cm de hauteur. Elle se distingue également par la minutie du décor et son modernisme qui nous ferait un instant oublier qu’elle remonte au début de notre ère et que sa réalisation a nécessité des efforts et un talent considérable, sachant les outils rudimentaires dont disposaient les artisans de l’époque. En dépit de sa forme aplatie, les volumes sont habilement restitués. Une telle virtuosité impose le respect et force l’admiration.